Aujourd’hui plus personne n’embauche de salariés, ils chassent des « talents », on ne parle plus de directeur du développement, mais de «créateur d’opportunités», tandis que le chef du design se fait appeler un «crayon evangelist».
Des termes sympas, une réalité un peu moins
La tendance sémantique peut paraître infantile, une forme de tentation d’adoucir les choses, les renommer de façon positive.
Le terme “talent” est avant tout une marque de la culpabilité des entreprises qui ont géré les salariés comme des variables d’ajustement. La “bienveillance” est devenue un terme souvent vidé de sons sens au sein du monde du travail.
La réussite professionnelle se mesure de moins en moins à des signes extérieurs, par conséquent les marqueurs extérieurs de succès se déplacent du bien matériel vers une certaine attitude au travail.
ambiance décalée pour un travail conventionnel
Les nouveaux titres de poste, nouveaux modes de travail, sont parfois un enjeu de recrutement
Au sein de certaines startups on invite les collaborateurs à choisir eux-mêmes leur titre. Le titre pouvant même être changé à chaque dossier, chaque mission.
On ne s’assoie plus à son bureau mais on se cherche chaque matin un spot libre dans un espace de flexi-travail ou bien on reste chez soi grâce au télétravail, on n’a plus de session de formation mais des MOOC et des Webinars, la salle de réunion a laissé place à la huddle room.
Ayant eu le privilège d’intégrer Station F à son inauguration, j’ai constaté que certains, pour ne pas dire tout le monde, portaient des lunettes roses déformantes. J’ai malheureusement vu aussi que certains business models de ces jeunes pousses étaient du papier cadeau très joli mais complètement vide !
ma première réunion du founders program à Station F, j’avais oublié mon goûter !!
Quelques termes happy-corporate et leur traduction dans le monde réel :
- Appliquer un process : faire ce qui est demandé par le chef.
- Axes d’amélioration : à refaire entièrement.
- Benchmark : pomper les idées d’un concurrent.
- Challenging : ennuyeux et difficile.
- CEO : Celui qui a vidé son livret A pour mettre les 1000€ de capital dans la boîte.
- Chef de projet : celui qui va se taper tous les comptes-rendus.
- Chief happiness officer : chargé de communication interne et anti-assistante sociale.
- Chief talent officer : responsable RH.
- Disruption : une idée qu’on pense être les seuls à avoir (la faute à mauvais benchmark)
- En mode projet : travailler sur un dossier jour et nuit dans l’espoir de le boucler pour avant-hier.
- En mode Start-Up : bordel général assumé.
- Etre force de proposition : trouver les idées que son chef n’a pas eues.
- Gratification : rémunération.
- Pitch : une phrase pour convaincre son interlocuteur, ou brioche aux pépites de chocolat
- Nous : l’entreprise.
- Talent : salarié, quel que soit son poste.
(Inspiré du livre Stagiaires, le guide de survie ! de Samantha Bailly )
la vraie richesse de l’entreprise sur cette photo ne porte pas de corne !
la cerise sans le gateau ?
Au final, génération Y ou millenials, ces jeunes précaires qui jonglent entre stages répétés, périodes d’essai et CDD, acceptent des salaires de misères, des horaires de dingues (« ben il est à peine 20h tu restes pas à l’afterwork? ») une absence de visibilité à 3 ans, mais ils ont des saladiers de fraises tagada, des smoothies frais, le tournoi de baby-foot. Et puis le boss s’habille en jeans basket, comme nous, donc il est forcément sympa…
Même s’il est évident qu’une carrière de 30 ans dans la même entreprise est devenue une légende à raconter aux plus jeunes, j’estime que la génération qui arrive dans la vie active ne doit pas laisser le « paraître » prendre le pas sur « l’être » et plus encore, sur le véritable « bien être » au travail.
Comments are closed